"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

lundi 2 mars 2015

La route est longue

Long is the Way.



"Joli visage."
"Merci"
"Tu veux une bière ?"
"Non merci, la bière à dix heures du matin c'est pas trop mon truc"
"Ah je comprends. Tiens, prends de la vodka alors!"

Pas de surprise, pas de doutes. Oui, l'alcool ça réchauffe mieux que l'eau quand tu passes la journée dehors. Et ça fait passer le temps quand on s'ennuie, boire devient une activité en soi. Aucune hésitation. "Non merci c'est gentil." Rien d'autre à dire. A quoi bon essayer de les raisonner ?

"Qu'est ce que tu fais là mademoiselle ?"
"Je viens voir un copain."

Une vingtaine de personnes se tassent devant la petite porte de l'Accueil de jour, boivent de la Poliakov dans des gobelets en plastique, fument des cigarettes extorquées aux passants moitié compatissants, moitié écœurés, et parlent, parlent, parlent...

"Hé mais j'te connais toi ! Qu'ess'tu fous là?"

C'est S. qui m'a reconnu le premier. Il me serre dans ses bras, me fais la bise. On ne s'est pas vus depuis longtemps mais je me rappelle qu'il ne m'aime pas trop. Moi non plus, trop violent, trop agressif. Il ne me fait pas peur mais je n'apprécie pas ça. De toute façon si il viens me parler, c'est pour me demander du shit. "Désolée j'ai rien." Regard déçu. Je perd tout intérêt instantanément. Je pense à sa fille de 8 ans, me demande ou elle est, ce qu'elle fait quand son père est ivre mort du matin au soir, c'est à dire tous les jours.
Je croise J-M, un africain de 40 ans qui en parait 65. Lui ne me reconnait pas de suite. Il ne parviens pas à mettre un prénom sur mon visage, ni à se souvenir de ou on se connait. Pourtant on en a passé du temps ensemble dans le train à jouer aux cartes. Il sent l'alcool à plein nez. Je sais que parfois il dort à la Défense le soir quand il est trop saoul pour bouger jusqu'au CHU. Il a quasiment l'age d'être mon père et je relève l'absurdité de ceux qui ne conçoivent la misère sociale et le chômage que comme un problème de jeunes.

Je rentre dans le bâtiment, croise des gamins de mon age assis derrière un bureau, polis, peu souriants, peu bavards. Je commence mon activité préférée du matin, à savoir expliquer qui je suis et pourquoi je suis là. Ils sont moniteurs éducateurs et surtout les bras ballants. Je jette un œil à la liste des entrées : déjà 100 personnes sont venues prendre une douche, un petit-déjeuner, recharger leur téléphone ou faire une lessive. Le centre n'est ouvert que depuis une heure.  

On entend des hurlements dans la rue. Des mecs bourrés s'engueulent, insultent leurs mères respectives, se bousculent. "C'est normal ici. Ya rien à faire, tu attends qu'ils se calment." Je ne suis pas très convaincue, et encore moins quand un des gars sort un couteau et le pointe sous le nez de l'autre.

"Tu touches pas à mes enfants ! Personne touche à mes enfants sinon je le tue ! Je le plante, sur ma vie, je le bute celui qui touche à mes gosses."
"Personne vas toucher à tes gosses. Maintenant range ça de suite, ya les keufs juste là regarde."
"Tiens je te le laisse, prends le."

El la lame atterris dans tes mains. Tu désamorces une crise, me vois, grand sourire sous le début de calvitie. "Putain je pensais pas que tu viendrais, viens on va faire le tour." Tu ne me présentes plus comme ta petite sœur mais comme une futur éduc.
Le centre me parait d'une taille ridicule pour le nombre de personnes à faire entrer dedans. Parfois 250 en deux heures et demie et seulement deux assistants de service social. Une poignée d'éducateurs et de stagiaires, une dizaine de dames versaillaises bénévoles qui préparent le café ici depuis que leurs enfants ont quitté la maison. Avoir une utilité sociale... Des blancs, des noirs, des arabes, des asiatiques, des vieux, des jeunes,  très peu de femmes, venus manger un peu, mais surtout trouver de la chaleur humaine... Tout le monde s'exprime différemment, certains comme S. hurlent et tiennent des propos racistes contre les tibétains du foyer d'à côté, certains volent les stylos du bureau juste pour s'observer agir sur leur monde, certains ont juste besoin de rester assis et de regarder les autres passer en souriant.
Chacun est là pour se sentir vivre un peu. Toi comme les autres. Et moi aussi.

"Tu peux me dire que je suis un arabe, pour moi c'est pas une insulte, c'est ce que je suis. Par contre ne me traite pas de "sale arabe", tu sais moi je me lave deux fois par jour parfois trois, alors "propre arabe" si tu veux, mais pas "sale".

Je t'écoute parler à ces paumés, ces déficients et autres inadaptés, je te trouve tellement juste, si droit, j'ai tant à apprendre de toi. Et pourtant... je me rappelle très bien quand tu étais de l'autre côté de la barrière, quand c'était toi qui essayait de gratter un euro pour t'acheter un flash, quand tu étais ivre du matin au soir., ces semaines ou je vous quittais et te laissais mon appart pour que tu puisses t'abriter quelques nuits. Qui aurait cru à cette époque que tu parviendrais jusqu'ici ? Certainement pas toi.
 On y arrivera ensemble alors. Et toutes les prochaines fois ou on sera dans la rue ce sera pour tendre la main aux autre, plus pour s'y abimer.

Ca me donne envie de bouffer de l'espoir jusqu'à en crever, et le déverser partout. Aller dire à ceux qui ne croient en rien que c'est possible, que tu l'as fais, que moi aussi je vais le faire, qu'on peut y arriver: à s'en sortir. Agir avec amour, toujours, tout le temps.Se sortir les doigts du cul au lieu de se complaire dans tout ce qui ne va pas, parce que oui énormément de choses ne vont pas, mais ça peut marcher quand même. Si on s'aime, si on y croit, si on s'acharne et qu'on s'échine.

La route est longue. Le combat n'est jamais fini.
Mais peut on décemment renoncer à se battre ?


MERCI




jeudi 22 janvier 2015

Solitude peuplée




Je ne sais si ce n'est par pudeur ou par peur de ne pas savoir parler d'eux assez bien qu'il y a certaines personnes que je n'évoque jamais et dont rien que le nom peut faire se briser ma voix contre une montagne de souvenirs heureux et tranchants. J'ai eu la chance de croiser sur ma route des gens qui ont su fermer les yeux sur mes vices, mes bassesses, qui ne m'ont pas jugé, qui m'ont accepté sans jamais me forcer à rien d'autre qu'à toujours ouvrir mes yeux et à réfléchir avec plus de bienveillance. Des gens qui m'ont appris à m'aimer en m'aimant eux même, qui m'ont considéré avec attention et patience, m'ont aidé à mettre sur pieds mes projets et les accomplir. Je craint de parler d'eux et d'en écorcher le souvenir, ne pas retranscrire exactement tout ce qui a pu se passer et combien je leur dois, à tout ceux qui malgré mon obstination, ma mauvaise foi, mes colères et ma tristesse n'ont jamais cessé de me faire confiance et de me guider quand je demandais de l'aide. Ils m'ont aimé au plus mal, ils m'ont appris l'amour quand je les rejetais, le pardon quand je  me haïssais, la douceur quand je hurlais. J'ai érigé des remparts autour de mon âme et ils les ont toujours respecté sans jamais les franchir. J'ai eu peur d'eux comme aujourd'hui j'ai peur de ne jamais les retrouver. J'ai compris trop tard.

Je t'entend encore m'expliquer patiemment : "La politique ça n'appartient pas qu'aux politiciens ou à une histoire de gauche ou de droite, loin de là, chacune de mes actions, chacun de mes choix est politique. Tout est politique.". J'ai mis du temps à comprendre ce que tu voulais dire, et aujourd'hui je me demande encore si on peut raisonnablement vivre comme ça, dans des espaces ou rien n'a vraiment de valeur ou de sens,  faire de ses choix ses armes, ses convictions ses batailles, s'associer à d'autres qui croient comme nous pour devenir plus grands, rejeter l'inutile... C'est tout ce à quoi j'aspire mais je ne peut m'empêcher de me demander si c'est viable et de me dire que tu aurais répondu à mes questions si tu étais encore là. 
Vous avez transformé ma vie. Vous m'avez appris à tout questionner, toujours. A ne jamais se satisfaire de réponses incomplètes, ne jamais rien admettre juste parce que c'est comme ça, toujours vouloir tout comprendre, parce que comprendre c'est déjà résister dans un monde ou si peu essaient. Vous m'avez réappris à jouer, "le jeu c'est la base de tout apprentissage", j'entends si bien vos voix et vos rires, "ah c'est marrant ça", toujours rire, parce que tout n'est qu'un jeu. Vous m'avez démontré, sans jamais en prononcer les mots, votre foi en l'éducabilité de toute personne, en commençant par la mienne.

 


lundi 12 janvier 2015

Hétéronomie




Chez l'être humain, l'hétéronomie représente l'impossibilité concrète ou l'incapacité morale à se donner ses propres lois et à se régir d'après elles ; l'autonomie est chez l'humain la faculté de vivre et d'agir selon ses propres forces, motivation et morale. Source

Je ne peut m'en séparer. Il est là parfois même quand je ne l'attends pas, que je le fuis ou que je le cherche il reviens toujours. Parfois il déserte ma route, mais jamais longtemps, jamais assez.
Jamais en paix, jamais seul avec soi même. Toujours cette présence en arrière plan comme une brume installée dans l'esprit. Un rempart entre la douleur du monde et moi, ne me permettant que de me concentrer sur la mienne, si peu véritable. Cette douleur grandit chaque jour à son contact, me coupe les jambes et me prive de mes forces, pourtant c'est maintenant plus que jamais qu'il faut se battre. Il n'est pas trop tard pour le secouer, l'envoyer bousiller d'autres destins. Il n'est pas trop tard mais il est si insistant. Impossible de le sortir de ma tête et de rejeter une certaine idée que je me fais de la fatalité. Car mon mépris un peu triste est encore teinté d'affection pour cet ancien ami adoré par le passé, qui fait aujourd'hui plus de mal que de bien.
Quand je l'évite, il me rappelle à son existence le plus souvent possible. Il me traque jusque dans mon sommeil, s'invitant dans des nuits noires de peur et d'insomnie. Quand je joue avec des gosses, je peut penser à autre chose, mais lui ne m'oublie jamais. Il connait tous mes amis, s'entend très bien avec certains et nourris l'angoisse de ceux qu'il poursuit comme moi. Il règne en despote sur des contrées imaginaires et instaure l'hétéronomie de chacun de ses sujets. Nous ne sommes plus totalement maitres de nos décisions. Nous ne sommes plus totalement libres.

Alors je ne sais pas ou je dois chercher la volonté et le courage d'arrêter la machine, je ne sais pas quand je parviendrai à m'écarter de cette influence néfaste et à me défaire de mon ambivalence à son égard, mais il est nécessaire de le faire. Parce que je ne veux pas me regarder prendre peur lentement jusqu'à être paralysée de terreur. Je l'ai laissé rentrer dans ma vie, et un jour il faudra bien lui demander de la quitter.




samedi 3 janvier 2015

La peur comme complice




Quand c'est la peur qui choisit pour toi, tu n'es qu'une raclure. Laisser la peur prendre les décisions c'est la fin du libre arbitre. Je pense que énormément de gens agissent en fonction de ce qui les effraie : la peur de ne plus avoir d'argent, la peur d'avoir l'air étrange, de ne plus être aimé ou reconnu, la peur de ne pas être comme tout le monde... Ne plus pouvoir se fondre dans la masse. Ce n'est pas l'idée d'être comme tout le monde qui me rend malade, c'est celle que tout le monde puisse souhaiter être pareil. 
La souffrance est un sentiment universel connu de tous les êtres vivants. Je ne peut me résoudre à me dire que je pourrais avoir tort quand j'essaie de guider mes actions de manière à causer le moins de souffrance possible. Je n'ai pas l'impression que je répare mes blessures ou que je tente de me donner bonne conscience. Au contraire je crois que les blessures s'élargissent. Mais comment accepter d'être complice ?

Ce serait plus reposant d'être "adapté", conforme à servir des desseins imaginés par d'autres que nous, se glisser dans le moule et laisser filer. La sécurité d'être comme tout le monde, dans un monde modérément froid. Une capacité infinie à fermer les yeux sur tout ce qui pourrait secouer l'équilibre des croyances dans lesquelles on s'abrite. Ce serait si simple de se protéger en refusant de voir ou d'admettre ce que souffre le monde pour que nous puissions vivre un quotidien sans prise de positions. Se draper dans l'hypocrisie de ceux qui ne savent pas, ne savent jamais, ceux qui ne veulent pas savoir. Ne pas choisir.

A ceux qui se mettront en quête d'un absolu en rejetant le saint juste milieu, sauveur des consciences, la route est longue et parallèle à la folie. Démontrer une incapacité à penser ou agir selon la norme témoigne d'une personnalité instable. Sont sains d'esprits ceux qui ne remettent pas le fonctionnement en question tandis que ceux aux prises de l'extrémisme sont des sujets pensés comme en crise, voire dangereux. En vouloir au genre humain s'apparente à la schizophrénie. Dans l'imaginaire collectif, la frontière est mince entre exclu et sénile, militant et violent, différent et débile.

Alors il y en a qui se jurent de ne jamais renoncer à la liberté. Il y en a qui agissent. Qui refusent de rester dans leur coquille et tentent à tout prix d'éclore, et de donner un sens aux choses. Qui se réveillent après des années passées sous un chloroforme institutionnalisé à l'échelle du monde et tentent de le regarder autrement. Et qui sans se laisser prendre à l'utopie de croire qu'ils vont tout changer, refuseront jusqu'au bout d'être complice de mauvaises actions générales. Tout ceux là ont en commun d'espérer et de garder la foi en la capacité de chacun à s'éduquer et à devenir la personne qu'il est réellement dans l'idée d'un bien commun.

Si on juge que la norme est mauvaise, notre folie aux yeux des autres nous apparaitrait-elle comme une preuve de santé mentale ?


jeudi 1 janvier 2015

Merci

2015




« Il y a quelque chose d’inguérissable qui traverse chaque vie de part en part et n’empêche ni la joie ni l’amour. » C. Bobin




jeudi 18 décembre 2014

Secouer la dépression





Bientôt on dépassera le point ou tous les gestes deviennent incontrôlables,
Ne s'apparentent plus qu'à une espèce de frénésie. 
Et je peut pas te demander de sauter avec moi de la falaise ;
Les yeux qui roulent, qui fuient, qui implorent pour un hypothétique salut.


C'est l'hiver le plus chaud de l'histoire et on a froid,
Enlisés dans des pensées pitoyables et qui empêchent de secouer la dépression,
Incapables d'envisager qu'on arrivera sans doute pas à se réparer l'un l'autre
Juste se dire merci d'avoir fait un bout de chemin ensemble. 


L'engagement est un horizon à atteindre qui s'éloigne toujours de nous,
Alors on se doit de faire la promesse de toujours avancer
Reléguer la peur au second rang, retrouver la confiance, 
La foi en notre capacité à faire les choses bien. 


Ce qu'il y a à l'intérieur de nous ? 
La crainte sans bornes d'être sur la mauvaise route, 
Un espoir meurtri qui ne se laisse jamais briser totalement, 
Une capacité infinie à se reconstruire et à grandir ensemble. 









samedi 6 décembre 2014

Au nom de la liberté



Si nous n'étions assujettis qu'à la liberté, serait ce un esclavage tout aussi semblable aux autres ? Sainte liberté. Tous les jours on se lève avec la possibilité de construire quelque chose qui pourra permettre de ne pas regretter hier. Nous sommes potentiellement aptes de renouveler, d'écrire, de faire au mieux. Capables de lutter, de comprendre et d'avancer. D'un simple geste on pourrait aussi bien tout bousiller. Perdre le contrôle dans un accès maniaque, et détruire désespérément. Dans une déviance de la liberté... La plupart vivent bien souvent entre les absolus, ne parvenant pas à rejoindre un extrême, à part pour certains une modération extrême. Ne pas choisir pour ne pas avoir à s'opposer, à se positionner. Par delà le bien et le mal, on peut suivre les garde-fous. Décider de ne jamais rien décider. Au nom de la liberté, les uns mettent le monde à feu et à sang, quand d'autres se construisent des remparts en espérant que personne jamais ne viendra les y chercher. C'est la peur qui parle, la toute puissante peur qui renvoie à la fragilité de leur vies.
Mais il y a ceux qui toujours tendent à se rapprocher de ce qu'ils pensent être le bien, qui sans emmerder personne tenteront de faire leur chemin dans ce qu'ils croient être le plus juste. Ceux qui s'en fichent que la vie soit pas facile tant qu'elle est vouée à permettre de se regarder en face sans honte, en se disant qu'ils n'ont jamais laissé la peur ou la lassitude guider leur choix. Et si un jour, alors qu'on aura toujours espéré, avec l'espoir le plus humain, avoir fait au mieux, on se rendait compte en se retournant qu'on avait fait fausse route? Se pourrait-il que ce soit ceux là qui aient tort ?

J'entends distinctement le murmure stérile de ceux qui font des projets à la pelle et ne bougent jamais une phalange. Ils parlent longtemps et disent très peu de choses. Je m'en imprègne afin de me rappeler ce à quoi je dois m'opposer. La fatigue de leurs regards mangés par l'inertie me consterne. En les voyant je me répète : "je ne veux plus jamais avoir peur. Je ne veux pas finir comme eux."
Et quasiment tout de suite après : "et si un jour j'étais comme eux ?"
"Et si j'étais déjà comme eux ?"




dimanche 23 novembre 2014

viande vivante




Tu l'imagine nue devant toi, tu parles à ses courbes, tu penses à ce corps sur lequel tu t'accordes un droit de regard. Il est un produit dont tu peut juger de la qualité, avec lequel tu peut t'inventer des histoires, tu peut le prendre, l'essayer, le comparer. Tu soupèses ses seins, ses cuisses, tu mesures ses cheveux. Tu la vois dans le noir, tu visualises, sans personne, la musique, le bruit. Jamais qu'un produit, de la viande vivante. Jamais que pour toi. Peu importe qui elle est, enfermée dans ce misérable corps. Peu importe l'idée même qu'elle se fait de toi. Peu importe ce qu'elle dit ou elle pense. Toi tu penses à tes mains sous ses vêtements, qui la cherchent ou qui te cherchent toi, peut-être, sans succès. C'est le cul qui fait tourner le monde. 


L'amitié est dérisoire devant la potentialité des rapports charnels. Regard inquisiteur: elle veut, elle veut pas? Ne s'aiment que ceux qui baisent, et encore, sur une période définie. S'aimeront peut-être enfin ceux qui comprendront que l'essentiel est bien au delà.




samedi 1 novembre 2014

Mauvais voyage




Un corps crispé au dessus du vide, dans la bataille entre le chimique et de l'inconscient, avec au dessus de ses yeux cinglés, le plafond qui bouge et se déforme. Sale plafond, arrête de faire n'importe quoi! Ca rend fou, et c'est si long, tellement long qu'on pourrait oublier que ça va finir un jour. Il faut toujours s'en rappeler, bientôt on dormira, bientôt on pourra fermer les yeux, tout oublier. S'oublier, oublier cette enveloppe corporelle qui nous cloue au sol perpétuellement, la douloureuse existence physique dans un spasme halluciné. Oublier la mort si présente, partout autour, dans l'obscurité comme la lumière, dans les ombres sur les murs blancs, les ombres qui se déplacent et s'essaient à rentrer dans nos âmes et pourtant le désespoir de souffrir comme seule une personne parfaitement en vie en est capable. Le buste n'est plus qu'une nausée gigantesque. Et ce plafond qui n'arrête pas de bouger. Le sang se fige dans un froid assassin, il n'est possible ni de rester en place, ni de bouger, la douleur est totale. Les yeux qui cherchent une présence, une vie autre à laquelle se raccrocher, comme à une bouée dans la noyade, une main pour s'agripper à un espoir, une voix. Une voix peut retenir à la vie, écouter un murmure qui tranche avec le silence des angoisse. Des paroles qui nous emmènent ailleurs, nous font voyager hors des murs qui se referment sur nous, hors de la psychose, une histoire sans autre prétention que d'esquiver la terreur en faisant marcher l'esprit plus vite qu'elle. Dès qu'elle s'arrête, le cauchemar recommence. C'est très rapide, et les larmes inondent les joues fiévreuses, quand est ce que ça va cesser, il faut que ça cesse... On ne cède pas à la panique. Jamais. Il faut garder conscience de ce qui se passe, parler encore. Parler jusqu'à revivre. Créer de toute pièce un monde mental ou la souffrance n'existe pas. C'est long, ça demande du temps de retrouver la raison après un voyage si éprouvant, la raison elle a comme disparu, on dit des choses sans aucun sens, mais les pensées retrouvent couleur, nos encéphales tournent à plein régime mais sont moins agités. Et commence un second voyage à l'apogée de l'imagination, avec le soulagement de constater qu'on n'est pas morts, qu'on n'est pas fous non plus, juste un peu abîmés. On sait qu'il va nous falloir du temps avant de comprendre tout ça, avant de pouvoir se raconter réellement ce qui s'est passé, et de se remettre de ces heures de lente aliénation, de cette violence insensée.
Alors on demande : si rien n'est important pourquoi on s'obstine à faire des choses ? Pourquoi on a parlé, pourquoi on s'en est sorti ? Pourquoi on se lève quand même, qu'on range le carnage, qu'on rince nos épidermes fatigués, qu'on s'alimente même péniblement ? Pourquoi on baise, pourquoi on va à l'école, pourquoi on s'obstine à travailler pour des salaires, pourquoi chaque jour on essaie de devenir meilleur, ou de s'en tirer du mieux possible ? Si rien n'est important, pourquoi on prend des drogues, et pourquoi on s'aime ? Est ce qu'on s'acharne à donner du sens à tout ça pour mettre de côté le fait que nos existences sont désespérément vides d'absolu ? Nos vies sont infiniment petites. On ne saura peut-être jamais ce qui est important. Chercher plus loin que ce qu'on perd à chaque fois qu'on se regarde, les yeux qui cherchent à se comprendre... Peut-être que c'est à nous de décider ce qui doit être important dans nos vies.



dimanche 19 octobre 2014

"Même si tu n'as plus grand chose dans le coeur et que tu le sais, tu as toujours un coeur." C. Bukowski



Si je devais raconter à voix haute tout ce qui s'est passé, te refaire l'histoire depuis le début, qu'est ce que je pourrais bien te dire ? Si tu me demandais d'expliquer les stigmates dans une espèce de logique chronologique je suis pas certaine de savoir quel bilan je pourrais tirer de tout ça. Je pourrais te parler d'aujourd'hui, peut-être. Du futur proche. On s'obstine à construire un monde parfait dans nos têtes et plus on s'en approche plus le monde réel devient invivable. On est contraint d'assister à l'amère dégradation de tout et de toute chose. Immobiles, muets. Incapables. On la connait l'ivresse de l'impuissance, le rêve de pouvoir tout refaire de nos bras, le rêve qu'on démolisse enfin la violence et qu'on arrête de se meurtrir en contemplant cette merde qui se dissémine partout, partout... Alors on se réfugie encore un peu plus à l'intérieur de nous même, au risque de ne plus y tenir au bout d'un trop long moment. De déferler. L'introversion devenant refuge mais pas échappatoire. Et le temps passe, on ne récupérera plus rien, à part peut-être la folie récurrente. Et on y revient. Comment je pourrais faire pour te raconter le trouble, l'angoisse ? Ca n'aurait pas de sens, plus aucun sens. Et pourtant, si tout redevenait comme avant? La machine qui repartirait en arrière, la régression, et que tu me voyais les yeux révulsés, prostrée sur une misérable souffrance qui a à peine un motif pour exister ? Peut être que tu me haïrais comme je l'ai fait. Alors, à quoi bon promettre désormais? Quand on est si faibles, si nuls ? On ne vaut vraiment pas grand chose et c'est une certaine délivrance de se le répéter.






mercredi 27 août 2014

Le cauchemar est fini



Si on laisse un peu de nous même dans chaque chose qu'on ne fini pas c'est normal qu'à la fin on se retrouve défaits. Mais qu'est ce qu'on y peut si face à la violence on renonce, si elle nous oppresse à nous dégouter de tout, à nous réfugier dans le silence total, en espérant qu'on nous oublie. De crise en crise tout s'est dégradé, au point de ne plus pouvoir regarder personne dans les yeux... La peur s'est emparé de tout, elle vit dans chaque geste que l'on fait, chaque phrase que l'on prononce, même si l'on sait qu'il est défendu de montrer quoi que ce soit. La solitude est devenue écrasante, et l'envie d'en finir avec tout ça omniprésente, dans les nuits montagneuses et blanches, la douleur affreuse, les dos courbés par l'épuisement, la blessure de la violence ordinaire.

Tout est fini. Tout recommence. "On fait quoi ce soir?" C'est la seule chose qui importe désormais. Savoir si il y aura de quoi boire, fumer et manger, si on va pouvoir rire aux éclats, de verre cassé sur les tables dans un passé triste. C'est fini et on va tout reprendre du commencement, un nouveau septembre, la fin des carnages. L'abolition de la peur pour une durée indéterminée, car elle revient toujours quels que soient nos efforts, mais elle est belle et on repousse sas arrêt la limite. Esquiver l'absurde, la violence, retrouver une certaine forme d'espérance, la beauté du discours, la patience. L'automne va revenir, avec lui l'amour, la douceur du soir, et on va se débarrasser de nos carcasses abimées, la vie reprendra ses droits en tout, dans les trucs incertains que l'on dit parfois sans vraiment les penser. C'est l'absence qui règne souvent en maitre sur tout, sur nos âmes défaites et déconstruites, la peur de pleurer dans l'oubli, la peur de se perdre trop loin, si loin qu'on ne viendrait pas nous chercher. Mais c'est fini, maintenant, on va se retrouver nous même. On va déjouer la tristesse, la peur, on va déjouer l'oubli. Le cauchemar est fini.



mercredi 30 juillet 2014

Nouveau début




Un mélange de larmes, de sueur, de salive, de morve et de sable sur les lèvres, qui tombe sur la crinière de Romeo. J'ai beau donner du sens à cette séparation, la douleur reste brute devant la fin de cette époque. Les mains crispées autour de son encolure, je ne me débat plus contre l'hystérie et la fatigue immense qui tentent de me retrouver depuis des mois, je les laisse m'envahir et me secouer de tristesse. Je ne m'appartiens plus, je laisse la peine me guider entièrement, ivre d'absolu et d'abandon, du désertement avéré des remparts dont je me jette aujourd'hui, ces murs que j'avais bâtit pour m'y abriter et y grandir sereinement.
On va enfin pouvoir dormir, fermer les yeux dans le petit matin et le silence absolu, nous permettre l'oubli. On va se retrouver seuls à nouveau, entourés peut-être mais dans une solitudes splendide, à tenter de rétablir un équilibre entre la violence qui se fracasse en nous et l'amour qu'on voudrait pouvoir donner. Et agir comme si on aimait, toujours et en toute circonstance, essayer en permanence de tendre non pas vers la perfection, mais vers le mieux, le mieux que l'on peut faire avec les moyens que l'on nous donne. Si parfois on se fait du mal c'est uniquement la faute à la fatigue et à la drogue qui nous empêchent de nous calmer et nous donnent envie de fuir. Je dis pas que c'est grave, juste qu'on en chie un peu et que l'habitude nous guette du coin de l'oeil, on est pas forcément prêts pour ça, alors il faut partir parce qu'aller voir ce qui se trame plus loin ça ne doit pas nous empêcher de nous construire.
On ne doit jamais parler de fin, c'est toujours un nouveau début. Une autre histoire qui se dessine au loin, même si ça prend du temps de toujours tout reconstruire. C'est soi qu'on érige en cours de route, une belle idée de qui on est et de ce qu'on doit faire pour s'y tenir et pouvoir s'aimer enfin un peu. Dans le chaos du départ, on laisse une quantité incroyable d'amour et de confiance derrière nous, et pourtant on part quand même. C'est bien la preuve que l'amour n'est pas le but mais seulement le moyen, le but c'est la grandeur de l'âme, c'est la connaissance, le but c'est la vie en elle même. On survivra de tout, dans une perche infinie, si on se permet le courage d'y croire, si on s'accorde un peu d'espoir dans le vide incertain du spleen, si on n'oublie rien.