"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

samedi 1 août 2015

Sans entraves





Supporteras tu ma fatigue quand mes jambes ne me porteront absolument plus ?
Clouée à la terre par des béquilles, viens avec moi dans l'amertume de la blessure
Regarde comme l'été passe lentement par la fenêtre devenue seul théâtre
Et le soleil silencieux qui ne rentre jamais à l'intérieur de l'appartement,
Et raconte moi encore comment c'est de marcher libre et sans entraves
De ne pas subir le despotisme d'un corps débile.
De pouvoir aller ou tu veux sans avoir mal. 

Crois tu qu'on puisse voyager en restant toujours assis ou se perdre en n'allant nulle part ? 
Un conseil, apprends à t'aimer, et chauffe un astre dans ton cœur pour les jours ou ça caille 
Seul, Chez soi : un vide que l'on remplit arbitrairement afin d'y mener une vie infirme
Entre la page blanche cynique et l'amour qui enveloppe les murs
Lequel bercera le lit de mes cauchemars cette nuit?
Combien de courage me faudra t-il 
Pour supporter le poids de mon âme?




lundi 22 juin 2015

Fidèles




Je n'ai jamais eu moins peur de marcher seule dans la nuit qu'en ce moment. Il ne peut plus rien m'arriver d'autre que cette douleur intense et dégueulasse. La violence est inouïe rien que quand je me surprends à tourner la clé dans la serrure dans le mauvais sens... Là bas c'est vers la gauche mais pas ici. Tandis qu'ils pointent leur doigt vers moi en disant : "tu vois, ça lui arrive à elle aussi" comme pour m'enlever de la valeur je sais qu'il n'y pas trop d'excuses que je puisse m'accorder, j'ai vraiment été pareil qu'eux, voire pire. Parce que moi je savais très bien l'importance que ça avait et j'aurais du me démener pour aller jusqu'au bout de mes idées quand bien même elles auraient été mauvaises... Exploser en plein vol et retomber au sol en flammes. Errance et solitude, chevaux de bataille fidèles toujours capables de me retrouver à n'importe quel moment. Les platitudes qu'ils me débitent sans trop y réfléchir et les grimaces qu'ils font pour tenter de me dérider ne font que rendre la douleur encore plus magistrale. Je les remercie sans chaleur et m'éloigne, bonne à rien et sachant pertinemment que plus rien de bon ne se passera avant longtemps. A quoi ils s'attendaient quand ils me demandaient si ça allait alors que mes larmes battaient le pavé, sans honte mais sans pudeur? A ce que je ris à gorge déployée pour tromper d'un mensonge ridicule la tristesse ? Que je reste cloitrée chez moi à pleurer pendant des semaines ou que je devienne tarée et que je prenne toutes les drogues qui me passent sous la main ? Le temps me rappellera à l'essentiel, en attendant je me contenterai d'exister. Je sais que tout ira bien puisqu'on l'a décidé.




vendredi 19 juin 2015

L'aurore





Est ce parce qu'à mon insu j'ai cessé de chercher à atteindre l'aurore ? 
Mes bras se sont tus trop longtemps alors que ma peur avait la parole
Perdu, le talent de se comprendre quoi qu'il arrive
Tu reprendras bien encore un peu la route ? Ce sera demain
Le dernier train dans ce sens là.
 
Ceux qui sacrifient la liberté pour la sécurité, et cætera
J'ai tout perdu et je me retrouverai
A moi maintenant de tout démolir pour tout reconstruire
Me pardonner moi même pour tous ces tiraillements
Je suis infiniment désolée. 

Kaléidoscope de souvenirs pleins de fumée dans les yeux
Vermeils des derniers sourires, premières victimes des dégâts
Blâme semblable, tristesse, tremblements, vague à l'âme
 Je pars et pardon encore
Pardon de m'être brisé, pardon d'être inconsolable. 



samedi 23 mai 2015

Démerde toi avec ça



Nuage du sol
Compagnon de passage
Assagi au vol
Et éreinte la rage
Quand la picole isole
Et frôle le carnage
Etreinte fatale des dieux et des hommes
Dans un ultime outrage
Repeindre la camisole
Qui contraint le courage,
Ami qui vogue 
Pourtant toujours plein aux armes
Coloriage des Larmes d'ennui
La fleur de l'age pourri
n'est elle qu'une fleur du mal? 
Mal en point ou dégrossie
La hargne se mèle à tout
Surtout ce qui n'est pas permis
Et qui nous fera du mal. 

Démerde toi avec ça. 



vendredi 8 mai 2015

Vingt deux ans partis




En tailleur au dessus de la voix ferrée, a regarder les trains passer
Pensant que plus aucun ne pourra nous mener vers toi désormais, 
Les aiguilles des années tournent pour la vingt-deuxième fois aujourd'hui
Mais que faire si tu es déjà parti ? Espérer
Prier pour ce qu'il y a à réparer en nous maintenant, 
Cerveaux rouillés par les questions et des coeurs défaillants
Défiants à l'unisson le fait même d'être vivant
Incompréhension béante de ceux qui restent à l'égard des absents. 

Quand on se reverra, dans un rêve ou un cauchemars vers minuit
J'espère que j'aurai grandi, que j'aurai fait de ma vie un truc dont je pourrai être fière
Enfer ou paradis ? On cherche encore la lumière, 
Mais tout est en partie détruit, plongé dans le silence,
On tente de faire taire les voix qui qui soupirent qu'on avait pas tout dit
La bouche ronde ouverte dans une exclamation aphone, 
Le regard dénué d'intelligence, 
Des cicatrices pas refermées sur lesquelles on renverse du sel. 



mardi 5 mai 2015

Chère L


Tout d'abord je te prie d'accepter mes excuses pour la nullité de ma capacité à m'exprimer en te disant au revoir, muette devant l'envergure du vide à combler en toi. Je t'offre mes sourires comme tant d'espoirs de renaissances, peut être vains mais sincères.

Les gens me demandent comment ça va, si je tiens le coup, si je m'en sors et ça me parait absurde. Moi je pense à toi, à vous, qui êtes si droits et si forts, qui résistez vivement aux assauts de la tristesse, exemplaires. Je vous souhaite beaucoup de courage et de se serrer les coudes. On retiendra les leçons de tout ça et tu me le disais toi même, la vie ne tiens qu'à un fil alors prends soin des autres.

 Comment expliquer, raconter, décrire ce qui se passe ? Tout a dérapé d'un coup, il devait revenir, il devait être là... C'est un casse-tête qui niche dans nos encéphales pour comprendre ce qui est en train de se passer, tout ce dont il retourne. Le bide creux et les Pyrénées sous les yeux à forces de larmes qui érodent nos joues.

Mais je voudrais te dire que tout ira bien et que tu t'en remettras. Je voudrais te promettre qu'il y aura à nouveau des étés heureux, des rires insomniaques et de l'amour. Un jour...

Mes mots restent désespérément stupides, incapables de délier ce qui se passe dans mon crane, d'évoquer sans manquer de pudeur ou d'exactitude des souvenirs tranchants. Ce passé qu'on regrettera, qu'on regrette déjà et bientôt ce futur à l'horizon plus qu'incertain.

Les nuits seront blanches et froides longtemps. Mais tant qu'on est pas seuls, on est immortels et lui aussi. Jamais on ne pourra envisager d'en finir, de foutre le camp de manière définitive. 

J'aimerais te parler de ce qu'on reconstruira par dessus les ruines de cette époque une fois qu'on sera guéris. 

A vous tous, et à toi.

G

jeudi 30 avril 2015

Cointreau




Et c'est comme un petit miracle qu'on soit tous là le nez blindé de morve et passant aléatoirement du rire aux larmes dans une douce frénésie. A toi, à ta droiture, à ton sourire. Un verre de cointreau pour tout ceux qui désormais ne dormiront plus, ne comprendront jamais. Tu nous laisse des cratères à la place du coeur et du vide qui passe au travers, le chat est roulé en boule sous nos mines défaites, qui souffrent vivement de la même tristesse sans parvenir parfaitement à la partager. Attendre une mise en terre qui ne marquera en rien l'apaisement de la douleur, attendre. A toi, à tous ceux qui tiennent encore debout, et à tout ce qu'on te doit. Les mots dont je dispose ne sont pas assez précis ni assez superbes pour raconter ce que nous traversons avec exactitude. Les mots n'ont plus leur place ici, terre dédiée à une immensité de silence, et dans nos regards misérables qui se croisent, dans un hommage alcoolisé, tu es plus présent que jamais. On est tous là au delà des apparences, sans aucun maquillage ou apparat pour nous protéger, juste tels qu'on est face au miroir, désespérément seuls.



jeudi 23 avril 2015

21





Les lumières s'éteignent... Pas de surprise.
Vingt et un ans, mais si on restait toujours gosse ?
Bougies qui crament, opium dans la rétine et les copains qui parlent d'amour perdues. Ballons qui grincent, jambe qui titube, incapable de se marrer, perdue ou juste trop alcoolisée, et monter sur les échafaudages d'une conscience cinglée. Crever de froid juste parce qu'on est pas assez couverts, pas préparés à tout ça. Passe moi des filtres qu'on brule moins vite, écouter Lucio Bukowski en boucle et très fort, réfléchis bien mais réfléchis juste.
Ce que disent les hommes qui ont bu est il plus vrai ? Question que se posent des milliers de femmes depuis des milliers d'années avant de se résigner et de nettoyer le vomi. Un petit coup d'eau sur l'épiderme déprimé et partir pendant que tout le monde, absolument tout le monde dort encore, plein de tequila dans le bide. Vingt et un ans ce matin et des cernes jusqu'aux genoux, violets de n'avoir pas pioncé, et un gout d'anis dans l’œsophage.  De la poésie collée au crane et du noir sous les ongles, crinière roussâtre dans la lumière insolente des petits matins.

"C'était le meilleur anniversaire de ma vie."
"Tu dis ça tous les ans."
"Ouais t'as raison.Mais n'empêche."



mercredi 15 avril 2015

Ode à la mauvaise résine





Déprime devant des oignons cramés dans le fond d'une poële,
Pas le moral à batailler alors s'enferme dans dix mètres carrés verre pales
Blindés de livres pour se protéger,
Du spleen, de Versailles, de l'ennui et des années
Toutes celles ou j'ai vu ma grand mère s'échiner à faire vivre son mari
 Gériatrie dans un appartement désuet et son bon Dieu qui doit se marrer
De savoir qu'aucun des deux ne mourra serein dans son lit
Ironie des histoires réelles, 
Traverser des guerres et crever dans un couloir d’hôpital
Et je la vois méchante mais si forte, 
Pourtant vivante mais presque morte
Vis seul; 
Et ne te compromet jamais, c'est ce que je retiendrai d'elle et de son mépris.
Devenir libre,
 Ne jamais vivre pour personne, se soigner soi avant de guérir les autres, 
Quitte à rencontrer la peur, mais en connaissance de cause. 
Alors je souris tant que j'ai encore des dents, prends mes jambes et m'enfuie
 A mon cou, droit devant, 
Pas d'age pour les courageux, 
Pas d'age pour ceux qui restent enfants.

A force de marche pieds nus j'y ai planté des épines
Ode à la mauvaise résine qui teinte certaines nuits d'absolu.
 
 
 
 
 
 



lundi 13 avril 2015

Encore une fois





et si l'alcool n'avait pas englué mes mots dans le fond de ma gorge j'aurais pu parler mieux, raconter les nuits vertes, bleues, sombres, passées les écouteurs battant le rythme des émotions comme s'ils les devançaient, la défaillance du coeur devant des événements qui me dépassent, les jambes mortes et le crane qui n'amortit plus, même malgré le bonheur violent qui traverse certains instants d'envolée. J'aurais pu dire le chemin parcouru depuis que je te connais, serrer ta main encore et m'abrutir d'un sentiment d'accomplissement immense devant la rétrospective d'événements minables et douloureux que j'ai traversé avant d'en arriver ici devant toi. j'aurais pu vous remercier, toi et tous les autres, saluer l'aide que vous m'avez apporté quand il était difficile de croire en quoi que ce soit, et la certitude que même dans la solitude la plus totale j'aurais toujours quelqu'un vers qui revenir au bout du compte. "Celui qui grimpe seul s’essouffle" alors heureusement qu'il y en a pour m'accompagner des insomnies aux moments de grace, sans juger ni contraindre, sans se désister malgré des absences passagères, sans jamais empiéter sur l'importance de la liberté. J'aurais pu rendre hommage à tous ceux qui contribuent à l'abolition de la peur qui est ancrée en moi par leurs mots et leur présence, qui m'apprennent à rester fidèle à moi  et à l'idée que je me fais de ce qui est bien. Encore une fois, la route est longue.
Encore une fois merci.


lundi 2 mars 2015

La route est longue

Long is the Way.



"Joli visage."
"Merci"
"Tu veux une bière ?"
"Non merci, la bière à dix heures du matin c'est pas trop mon truc"
"Ah je comprends. Tiens, prends de la vodka alors!"

Pas de surprise, pas de doutes. Oui, l'alcool ça réchauffe mieux que l'eau quand tu passes la journée dehors. Et ça fait passer le temps quand on s'ennuie, boire devient une activité en soi. Aucune hésitation. "Non merci c'est gentil." Rien d'autre à dire. A quoi bon essayer de les raisonner ?

"Qu'est ce que tu fais là mademoiselle ?"
"Je viens voir un copain."

Une vingtaine de personnes se tassent devant la petite porte de l'Accueil de jour, boivent de la Poliakov dans des gobelets en plastique, fument des cigarettes extorquées aux passants moitié compatissants, moitié écœurés, et parlent, parlent, parlent...

"Hé mais j'te connais toi ! Qu'ess'tu fous là?"

C'est S. qui m'a reconnu le premier. Il me serre dans ses bras, me fais la bise. On ne s'est pas vus depuis longtemps mais je me rappelle qu'il ne m'aime pas trop. Moi non plus, trop violent, trop agressif. Il ne me fait pas peur mais je n'apprécie pas ça. De toute façon si il viens me parler, c'est pour me demander du shit. "Désolée j'ai rien." Regard déçu. Je perd tout intérêt instantanément. Je pense à sa fille de 8 ans, me demande ou elle est, ce qu'elle fait quand son père est ivre mort du matin au soir, c'est à dire tous les jours.
Je croise J-M, un africain de 40 ans qui en parait 65. Lui ne me reconnait pas de suite. Il ne parviens pas à mettre un prénom sur mon visage, ni à se souvenir de ou on se connait. Pourtant on en a passé du temps ensemble dans le train à jouer aux cartes. Il sent l'alcool à plein nez. Je sais que parfois il dort à la Défense le soir quand il est trop saoul pour bouger jusqu'au CHU. Il a quasiment l'age d'être mon père et je relève l'absurdité de ceux qui ne conçoivent la misère sociale et le chômage que comme un problème de jeunes.

Je rentre dans le bâtiment, croise des gamins de mon age assis derrière un bureau, polis, peu souriants, peu bavards. Je commence mon activité préférée du matin, à savoir expliquer qui je suis et pourquoi je suis là. Ils sont moniteurs éducateurs et surtout les bras ballants. Je jette un œil à la liste des entrées : déjà 100 personnes sont venues prendre une douche, un petit-déjeuner, recharger leur téléphone ou faire une lessive. Le centre n'est ouvert que depuis une heure.  

On entend des hurlements dans la rue. Des mecs bourrés s'engueulent, insultent leurs mères respectives, se bousculent. "C'est normal ici. Ya rien à faire, tu attends qu'ils se calment." Je ne suis pas très convaincue, et encore moins quand un des gars sort un couteau et le pointe sous le nez de l'autre.

"Tu touches pas à mes enfants ! Personne touche à mes enfants sinon je le tue ! Je le plante, sur ma vie, je le bute celui qui touche à mes gosses."
"Personne vas toucher à tes gosses. Maintenant range ça de suite, ya les keufs juste là regarde."
"Tiens je te le laisse, prends le."

El la lame atterris dans tes mains. Tu désamorces une crise, me vois, grand sourire sous le début de calvitie. "Putain je pensais pas que tu viendrais, viens on va faire le tour." Tu ne me présentes plus comme ta petite sœur mais comme une futur éduc.
Le centre me parait d'une taille ridicule pour le nombre de personnes à faire entrer dedans. Parfois 250 en deux heures et demie et seulement deux assistants de service social. Une poignée d'éducateurs et de stagiaires, une dizaine de dames versaillaises bénévoles qui préparent le café ici depuis que leurs enfants ont quitté la maison. Avoir une utilité sociale... Des blancs, des noirs, des arabes, des asiatiques, des vieux, des jeunes,  très peu de femmes, venus manger un peu, mais surtout trouver de la chaleur humaine... Tout le monde s'exprime différemment, certains comme S. hurlent et tiennent des propos racistes contre les tibétains du foyer d'à côté, certains volent les stylos du bureau juste pour s'observer agir sur leur monde, certains ont juste besoin de rester assis et de regarder les autres passer en souriant.
Chacun est là pour se sentir vivre un peu. Toi comme les autres. Et moi aussi.

"Tu peux me dire que je suis un arabe, pour moi c'est pas une insulte, c'est ce que je suis. Par contre ne me traite pas de "sale arabe", tu sais moi je me lave deux fois par jour parfois trois, alors "propre arabe" si tu veux, mais pas "sale".

Je t'écoute parler à ces paumés, ces déficients et autres inadaptés, je te trouve tellement juste, si droit, j'ai tant à apprendre de toi. Et pourtant... je me rappelle très bien quand tu étais de l'autre côté de la barrière, quand c'était toi qui essayait de gratter un euro pour t'acheter un flash, quand tu étais ivre du matin au soir., ces semaines ou je vous quittais et te laissais mon appart pour que tu puisses t'abriter quelques nuits. Qui aurait cru à cette époque que tu parviendrais jusqu'ici ? Certainement pas toi.
 On y arrivera ensemble alors. Et toutes les prochaines fois ou on sera dans la rue ce sera pour tendre la main aux autre, plus pour s'y abimer.

Ca me donne envie de bouffer de l'espoir jusqu'à en crever, et le déverser partout. Aller dire à ceux qui ne croient en rien que c'est possible, que tu l'as fais, que moi aussi je vais le faire, qu'on peut y arriver: à s'en sortir. Agir avec amour, toujours, tout le temps.Se sortir les doigts du cul au lieu de se complaire dans tout ce qui ne va pas, parce que oui énormément de choses ne vont pas, mais ça peut marcher quand même. Si on s'aime, si on y croit, si on s'acharne et qu'on s'échine.

La route est longue. Le combat n'est jamais fini.
Mais peut on décemment renoncer à se battre ?


MERCI




jeudi 22 janvier 2015

Solitude peuplée




Je ne sais si ce n'est par pudeur ou par peur de ne pas savoir parler d'eux assez bien qu'il y a certaines personnes que je n'évoque jamais et dont rien que le nom peut faire se briser ma voix contre une montagne de souvenirs heureux et tranchants. J'ai eu la chance de croiser sur ma route des gens qui ont su fermer les yeux sur mes vices, mes bassesses, qui ne m'ont pas jugé, qui m'ont accepté sans jamais me forcer à rien d'autre qu'à toujours ouvrir mes yeux et à réfléchir avec plus de bienveillance. Des gens qui m'ont appris à m'aimer en m'aimant eux même, qui m'ont considéré avec attention et patience, m'ont aidé à mettre sur pieds mes projets et les accomplir. Je craint de parler d'eux et d'en écorcher le souvenir, ne pas retranscrire exactement tout ce qui a pu se passer et combien je leur dois, à tout ceux qui malgré mon obstination, ma mauvaise foi, mes colères et ma tristesse n'ont jamais cessé de me faire confiance et de me guider quand je demandais de l'aide. Ils m'ont aimé au plus mal, ils m'ont appris l'amour quand je les rejetais, le pardon quand je  me haïssais, la douceur quand je hurlais. J'ai érigé des remparts autour de mon âme et ils les ont toujours respecté sans jamais les franchir. J'ai eu peur d'eux comme aujourd'hui j'ai peur de ne jamais les retrouver. J'ai compris trop tard.

Je t'entend encore m'expliquer patiemment : "La politique ça n'appartient pas qu'aux politiciens ou à une histoire de gauche ou de droite, loin de là, chacune de mes actions, chacun de mes choix est politique. Tout est politique.". J'ai mis du temps à comprendre ce que tu voulais dire, et aujourd'hui je me demande encore si on peut raisonnablement vivre comme ça, dans des espaces ou rien n'a vraiment de valeur ou de sens,  faire de ses choix ses armes, ses convictions ses batailles, s'associer à d'autres qui croient comme nous pour devenir plus grands, rejeter l'inutile... C'est tout ce à quoi j'aspire mais je ne peut m'empêcher de me demander si c'est viable et de me dire que tu aurais répondu à mes questions si tu étais encore là. 
Vous avez transformé ma vie. Vous m'avez appris à tout questionner, toujours. A ne jamais se satisfaire de réponses incomplètes, ne jamais rien admettre juste parce que c'est comme ça, toujours vouloir tout comprendre, parce que comprendre c'est déjà résister dans un monde ou si peu essaient. Vous m'avez réappris à jouer, "le jeu c'est la base de tout apprentissage", j'entends si bien vos voix et vos rires, "ah c'est marrant ça", toujours rire, parce que tout n'est qu'un jeu. Vous m'avez démontré, sans jamais en prononcer les mots, votre foi en l'éducabilité de toute personne, en commençant par la mienne.