"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

mercredi 4 juillet 2012

Le jour ou j'ai croisé Benoit Poelvoorde




-Gab, tu veut quoi pour le petit dej ?
-Hein ? 

J'ouvre les yeux, putain, il est déjà 13 heures. Je me rappelle plus quand on s'est couchés ni comment j'ai réussi à remonter dans mon lit, mais bon j'y suis,  la tête de A. au dessus de mon visage en train de m'agresser verbalement. J'enfonce ma tête dans l'oreiller, si je m'étouffes et que je meurs, il se tairas peut-être. 

-Alors? 
-Putain. Putain. Putain!!!!!
-Tu veux dormir encore ? Tu veut un café? Tu veut peut-être déjeuner en fait, parce que là pour le petit dej... On va faire des pates. 
-Ta gueule on a déjà mangé des pates hier. Et avant-hier. 
-Et alors? 

Sacré A. Il a déjà du ranger tout l'appart tout seul, mes copains ont du partir à l'aube sans l'aider, et laisser un bordel complet derrière eux. Mais en sortant de mes vagues cinq heures de sommeil bourrée aux médicaments j'en avais carrément rien à carrer, d'ailleurs depuis que je suis revenue de Lyon, du concours Science Po, j'en ai quasiment plus rien à carrer de rien. On a fini par arriver à un compromis tacite assez satisfaisant, étant que A. s'occupe de tout, pendant que je branle rien et je me contente de me la fermer. On se complète bien. 
Une fois prête, vers 17 heures, la journée commence, et on retrouve P. au square des musiciens. C'est une de ces personnes à qui l'été va bien. Elle a changé, après toutes ces années, jolie P. Premiers pétards, puis on se fait prendre en stop par une gendarme pour traverser Versailles, A. a entamé avec elle une discussion "politique intérieure française" pendant que j'essayais de ne pas avoir l'air trop loin de la réalité. Arrivés à destination, on remercie gentiment la fliquette, et on rejoint B., sorti de sa caverne. Je lui promet de le rembourser, étonnée de constater qu'il y a encore des gens qui me croient quand je fais ce genre de promesse et il m'invite au resto avec la besta et E. avant notre soirée dans la forêt, autour d'un feu de camp. 
On les repère de loin. Les volutes du brasier se mêlent à la fumée des pétards. Ils sont assis par terre, dans une clairière du bois Saint-Martin, autour du feu. J'ai une bouteille de Malibu, un joint, mes amis, et la vie est belle, cette putain de vie est belle. Je me suis sentie revivre, loin de mes examens moches des sols aux plafonds, ratés, déprimants, grotesques, loin de Lyon la bordélique, loin de nos spasmes. C'était comme une scène dans un film, une bande de post-ados bourrés autour des flammes, leurs clopes à la main en chantant des vieux tubes des années 80 ou des génériques de dessins animés. A. et la besta regardaient le feu silencieusement, côte à côte. P. me voit les regarder en rentrant d'un grand moment de solidarité féminine et lâche dans un tourbillon de phrases incohérentes et joyeuses: 

-Gab, le lache pas ton petit A. Il est bien, il est bien tout court, et il est bien pour toi. Garde le celui là. Il est vraiment bien. 
-Je sais. 

On est rentrés exténués au petit matin, nos voix cassées murmurant encore de vagues mots d'amour. J'ai fait un scandale pour passer par Place d'Armes parce que j'aime regarder le Château la nuit. C'est vrai quoi. Des milliers de chinois s'y bousculent chaque jour que Dieu fait, improvisant Versailles en ambassade d'Asie, mais à l'aube, c'est tellement mieux. Main dans la main, à la lumière des lampadaires, on profitait de notre ville, notre ville à nous. 
Mais quand même, pour cette heure de la nuit, le Château était bien plus éclairé que d'habitude. En nous avançant on a pu voir une troupe de cinéastes qui étaient postés devant la grande grille, et une flic désabusée, enfin une flic quoi. C'était une scène avec une bagnole. En tout cas il y avait une bagnole, et une quantité d'éclairages comme je n'en avais jamais vu de ma vie. C'est là que devant moi est passé Benoit Poelvoorde, suivi par Charlotte Le Bon qui discutaient avec le réalisateur. C'est aussi là que j'ai serré la main de A., et je lui ai dit, "on se casse?". Parce que merde, j'étais venue pour voir la place d'Arme déserte et j'étais fatiguée, je voulais retrouver mon lit, enfin, celui de A, qui, en repartant, dans un sourire a lâché: 

-Nos vies sont formidables quand même. 



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