"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

vendredi 12 avril 2013

Adieu








Adieu mon désormais petit ange. Une semaine déjà nous sépare. Depuis ton départ je traine dans la solitude car je ne peut pas me résigner à ce que leurs mots salissent ce moment. Jamais deux sans trois, tu m'as fait de grosses frayeurs et la dernière était la bonne, maintenant plus jamais je ne verrais tes jolis yeux ronds, fous de découvrir ce monde de brute, si grand et impitoyable malgré toute ton innocence et ta gentillesse à revendre. Malgré ta petite taille tu m'as accompagné mieux que quiconque à travers mes plus grandes joies et mes plus immenses peines de ces deux dernières années. Tu as vu mon père me rouer de coups dans les escaliers, mes fugues à répétitions et mes angoisses terrifiantes la nuit, tu m'a accompagné à toutes mes colos, meilleur ami des gamins et mon meilleur collègue, fidèle au poste, infaillible et plein de générosité. J'étais folle de toi et je t'ai pourri gaté, je t'ai aimé comme personne, parce que plusieurs fois je me suis retrouvé sans rien, et dans ces moments là tu étais toujours présent. Je t'ai chéri comme on chérit un enfant, je t'ai présenté à tout le monde, famille, amis, ennemis et même à des gens que je connais pas. Tu as été mon nouveau monde quand l'ancien se délitait, mon frère quand les miens me tournaient le dos, mon espoir et ma paix quand la guerre faisait rage. Je t'ai porté partout, dans mon sac ou contre ma poitrine, nourri à la main toutes ces fois ou tu refusait de boire ou de manger, j'ai dépensé des semaines de salaires chez le vétérinaire et passé des nuits entières à ton chevet quand tu luttais contre les tumeurs. En deux ans, je me suis séparé de toi plus d'une semaine seulement à deux reprises chèrement payées pour mon moral. Tu étais notre idole, notre mascotte, moi sans toi ça n'existait pas, on était deux, aussi insignifiants cela soit-il face à 7 milliards de connards déchainés. Tu as été mon premier et trop souvent unique compagnon de galère. Tu as survécu à tellement de choses, avoir bu de l'eau de vie, mangé des barrettes de shit ou une demie tablette de chocolat, tes tumeurs qui ont failli t'emporter, c'est indécent de te retrouver sans vie sur le sol de ta cage avec Léon auprès de toi, fou de malheur d'avoir lui aussi perdu son meilleur ami. Tout est devenu triste et fade, sans gout, bête et abruti, moche du sol au plafond, gris comme le ciel de nos mauvais jours, malheureux, ingrat, raté, graisseux, déprimé, redondant et j'en passe. Tu es mort, sans un bruit, sans prévenir personne, et j'ai eu beau hurler, me mettre en colère puis me recroqueviller en pleurant comme un sourd, rien n'y a fait. J'ai ressenti la violence à l'état brut, celle des sentiments perdus. Je suis ruinée, au fond du trou comme je l'ai jamais été. Je passe mes journées à mal dormir et à me cacher de tout, ça me donne des sueurs froides de me lever le matin, d'ouvrir les yeux dans une réalité qui ne me convient absolument pas. Je n'ai pas de moyen de fuir, à pat définitivement. Foutre le feu à notre ancien paradis, et rester à l'intérieur, me jeter d'un pont, m'acheter un flingue. Le sommeil regorge de grandes embardées, de nausées acides qui nous font convulser des yeux en pleine nuit. Partir oui, j'y ai pensé. J'abandonne le peu qu'il reste, et je m'en retourne à mes premières amours, les enfants. Mais sans toi pour me réparer le soir après les brulures des réunions, les journées de 18 heures harrassantes, et du mal du pays, comment je vais y arriver ?  Sans ancrage, sans raison de me battre? Je fuis vers un avenir incertain, qui ne sera sans doute pas pire que quand tu étais là, mais dans lequel je serais seule à combattre. Je t'aime Noé. Tout n'est que souffrance depuis que tu m'as quitté. Dieu te garde.



lundi 8 avril 2013

Mon ami, mon céladon, cher pianiste





Eclairés par le lustre de la salle Rameau
La pédale dorée sous tes baskets en cuir
Assis à la manière russe derrière le piano
Grace auquel tu te hasardes à nous faire sourire
Ton auditoire imaginaire se tient silencieux
Et je brade mon avenir dans un soupir respectueux
De chacune de tes notes comme de chacun de tes souffles
Comme chaque fois que tu pianotes je me sens au bord du gouffre
Tel un fantôme je m’éloigne des miroirs qui me rappellent mon existence
Dans une pièce ou seuls l'espoir et la musique font présence, 
Je perds patience
Tes ongles usés par la résine cherchent la fuite sur le clavier
Quand tu joues tête baissée, les idées en conflit, 
Les gestes saccadés, comme esquivant l'hérésie, 
Quand l'hystérie me guette mais que tu mène la danse
Devant l'assemblée muette en attendant la sentance
Qui serait selon moi de lever les yeux de l'instrument et se remettre en piste
D'Agir enfin au lieu d'écrire des comptines pour les oreilles égoïstes
Recoudre nos sales gueules qui ont pris les tempêtes
Nous décharger du poids amer de nos précédentes défaites
Et réunir nos colères pour n'en former qu'une seule
Reprendre ce qu'ils nous doivent sans leur demander ce qu'ils veulent
Partir à la révolte hurler contre ce monde de merde
Avant qu'ils nous attrapent entre le ciel bleu et l'averse
Loin du piano, loin des autres et loin du bon Dieu
Reconstruire une terre ou l'on pourrait mourir vieux
Se regarder en face mais ne pas se la voiler
 Et retourner à nos places la nuit sous le ciel étoilé
Mon ami, mon céladon, cher pianiste,
Recherche toujours la paix et surtout ne deviens pas triste
Dans ce monde pourri ils ont tant besoin de ton rire.



dimanche 7 avril 2013

Aujourd'hui ne sera pas pire qu'hier



 





On est le 7 avril, 3 jours ont passés depuis la mort de Noé. Je suis désespérée, je vous avoue que ça ne va pas fort. La douleur est terrifiante et il est difficile d'y remédier. Tout a perdu de son gout, de sa saveur. Je préfère rester seule devant mes feuilles blanches, à essayer de rejouer le film dans ma tête et de trouver une autre échappatoire. C'est arrivé trop brutalement et à un moment ou je n'étais pas capable d'affronter ça, un moment ou j'avais trop besoin de lui. Et je me sens seule, mais seule, et pourtant tellement entourée... C'est trop dur, beaucoup trop dur.

Ca ira mieux, mais je ne vois pas comment et je ne vois certainement pas quand. C'est la chose la plus triste qui me sois arrivée depuis longtemps. Vivre c'est devenu lutter contre tout, et c'est la torture pour sortir la tête de l'eau. Après la vie continue. Il ne faut pas se laisser couler, ne pas se laisser entrainer par les flots de larmes. Pouvoir continuer à se regarder dans le miroir.




jeudi 4 avril 2013

4 avril 2013




-Gabrielle? Cest moi. S'il te plait rapelle moi dés que tu as ce message. J'aimerais avoir de tes nouvelles, je suis inquiet. Je suis effondré. Je t'aime.
-Gabou, on a apris pour Noé, on pense tous très fort à toi, tiens le coup, garde courage ma grande. Bisous.
-Ca me fait pas rire Gab, sérieux appelle moi, ou es tu, que fais tu? J'aimerais tellement pouvoir être avec toi en ce moment même.
-Tu veux venir prendre un café à la maison?
-Ouais allo, t'es pas toute seule au moins ? Reste pas dehors surtout, c'est pas pour toi ça. Vas te mettre au chaud, appelle tes copains, je te rejoins plus tard.
-Gabrielle je t'ai cherché partout, je deviens fou, dis moi ou tu es pour que je puisse te rejoindre s'il te plait.

J'ai hurlé pendant quelques minutes, j'ai pris mon manteau et je suis partie, J'ai du revenir prendre mes clés. Je suis partie en laissant les portes ouvertes, en hurlant, en gémissant et en pleurant. J'avais mal au genou à cause de mon entorse et c'était dur de marcher mais je n'y pensais pas, j'avancais sous la pluie, c'était dur. Je ne voyais plus le sens de tout ça, et il y avait ces hurlements dans ma tête, et les miens qui couvraient le bruit des voitures qui roulaient à cent à l'heure et qui s'en foutaient que je pleure et que je crie et c'était pas plus mal. C'était pire que pas mal d'autres choses horribles que j'avais pu connaitre jusqu'à maintenant. C'était pire que ne pas avoir de drogue, avoir un plan cul qui part en cacahuète ou que de se casser le bras. C'était une douleur comme seul l'amour peut faire si mal, mon empire qui s'effondrait en inertie, j'étais terrifiée. Il pleuvait un déluge et je continuais de remonter l'avenue en boitant, sur mes joues se mélaient les gouttes de pluie, les larmes, la bave et la morve, tout ce qui pouvait sortir de mon visage, une tristesse infinie et tellement de peine. Plus je pleurais, plus j'avançais vite et je m'éloignais de mon ancien paradis, désormais déchu, je fuyais son cadavre et ma nouvelle solitude, et j'avais peur, tellement peur que tout ça me rattrape trop vite, sans que j'ai le temps de voir venir les fantômes qui allaient désormais me poursuivre. Et ça faisait mal, oh mon Dieu ça faisait tellement mal d'être aussi malheureuse. J'ai marché tant que j'avais des larmes, plusieurs kilomètres sous la pluie à attendre de me calmer, de pouvoir à nouveau tenter de maitriser en parallèle mes gestes et mes tristes pensées. Ca faisait vraiment mal à en crever, c'était très impressionant de souffrir comme ça même si je savais pertinemment que je vivais une de mes premières grandes peines, quand l'on ne sait pas encore ce que c'est  de souffrir horriblement et d'y survivre. C'était vraiment douloureux. Mon genou m'a laché et j'ai cessé de pleurer. Je me suis assise sur un banc, pris ma tête dans mes mains, allumé un joint qui trainait dans ma poche. Ca faisait très bizarre d'être confronté à la mort à nouveau, surtout dans ces circonstances et ces conditions. Continuer à respirer et tenter de s'affranchir de mes peurs pour voir un peu plus loin que les débris de verre et de stupeur. Je traversais mille états d'ame à la seconde. Que reste t-il à faire désormais sinon prier pour les gens que j'aime encore, les quelques uns qui me restent, et tenter de marcher droit? Tenter de consumer ma vie moins vite et moins trainer dans les gares le midi. Réparer les torts. Essayer d'endiguer ce sentiment profond d'impuissance, de tristesse et de nullité.
J'ai toujours les mains écartées, prète à rattraper des chances qui ne tomberont plus, et accuser le coup, ce constat terrible d'abandon, par mon compagnon de route depuis deux ans, Noé.


mardi 2 avril 2013

Question contemporaine



Tout a commencé par une décision, l'histoire ne nous dit pas encore si elle est bonne ou mauvaise. Suite à celle ci s'en suivent des événements, heureux et malheureux parce qu'il faut de tout pour faire un monde moyen, ni trop pourri, ni trop bien parce que sinon les gens seraient contents et ça, ça n'existe pas. Une décision, donc, à la suite de laquelle on prépare ses bagages pour les poser ailleurs, dans un monde ou l'on peut changer de vie et de réinventer une fois par semaine. Attention au dédoublement de personnalité qui guette dangereusement entre la "fausse vie", quand on pars loin de chez nous mais qu'au final ça représente les 3/4 de notre temps, et la "vraie vie", qui dure disons deux week-end par mois. On part à l'aventure, sac au dos, on lache son joint pour s'ouvrir un peu l'esprit, on se déleste des soucis du quotidien, de la paperasse, des dettes, de l'ennui des jours gris de Paris, certes... Mais au retour ils nous attendent de pied ferme. Ou seraient-ils passés? Même si on prend bien soin de ne pas les mettre dans nos valises, ils se font une joie de nous rappeler leur existence dès le pas de la porte franchis. Et sur qui se reposer à ce moment là ? Nos vieux amis de toujours, que l'on abandonne désormais quasiment en permanence? Ou les autres, ceux que l'on rencontre au gré des vents, que l'on connait une semaine, voire deux, très vite et très fort puisque l'intensité rapproche, mais dont on se sépare tout aussi rapidement puisque personne ne nous demande notre avis ? Parce que c'est ça aussi de voguer sans jamais s'ammarer. On vit constamment dans a rencontre mais également dans la séparation, et chaque jour que Dieu fait, on se fend d'au revoirs parfois anodins, mais pour la plupart troublants. On se retrouve tout à coup à devoir tourner des pages certes brèves mais à une vitesse incroyable alors qu'on ne parvient pas à faire le point sur celles de notre lourd passé, plein de cadavres dans le placard. Parfois à aller trop vite on arrache ces pages mais qu'importe puisque l'on vit dans un éternel recommencement? Certains se permettent de faire n'importe quoi comme de tromper l'amour pour des mains baladeuses sans savoir qu'en réalité c'est l'inverse qui se prépare. L'amour de la route et des kilomètres, de la liberté, de l'indépendance, du changement perpétuel, et toutes nos peurs qui se contrebalançent entre celles qui disent oui, celles qui disent non, la peur de partir, la peur de rester, la peur de voir les choses se casser la gueule, la peur de l'échec quand on connait déjà la peur du jeu, et vient l'espoir qui se fait la malle avec ses potes le courage et la clairvoyance. Et on se retrouve au milieu d'une ancienne vie désuette, dont on nous a volé les meubles, on y entre par un grand coup d'épaule dans la porte branlante et on retrouve ses souvenirs posés les uns à côtés des autres recouverts d'une sale couche de poussière et d'amertume. C'est ça de se tailler sans laisser d'adresse ni donner de nouvelles à personne. On est bien loin d'avoir tenté de détruire pour tout reconstruire, on a juste essayé de vivre au maximum, sans prendre de responsabilités aucune, et tout est détruit derrière, mais il n'y a rien à construire devant.


Et moi dans tout ça, au fils des nuits blanches passées auprès des enfants, des vomissures qui nous salissent, des cicatrices à recoudre, sans fil et sans aiguille, de ma mère qui n'en ferme pas l'oeil, des gens que j'aime qui ne parviennent plus à me suivre, de l'infini que je laisse derrière moi à chaque départ pour le peu que je récupère à mon arrivée, tourmentée par mille choses extrêmement noires qui profitent des temps obscures du changement... Assoupie par la défonce, d'un coup je relève la tête et je gueule : "J'ai soif de la vie, que je reparte encore..."