"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

dimanche 23 novembre 2014

viande vivante




Tu l'imagine nue devant toi, tu parles à ses courbes, tu penses à ce corps sur lequel tu t'accordes un droit de regard. Il est un produit dont tu peut juger de la qualité, avec lequel tu peut t'inventer des histoires, tu peut le prendre, l'essayer, le comparer. Tu soupèses ses seins, ses cuisses, tu mesures ses cheveux. Tu la vois dans le noir, tu visualises, sans personne, la musique, le bruit. Jamais qu'un produit, de la viande vivante. Jamais que pour toi. Peu importe qui elle est, enfermée dans ce misérable corps. Peu importe l'idée même qu'elle se fait de toi. Peu importe ce qu'elle dit ou elle pense. Toi tu penses à tes mains sous ses vêtements, qui la cherchent ou qui te cherchent toi, peut-être, sans succès. C'est le cul qui fait tourner le monde. 


L'amitié est dérisoire devant la potentialité des rapports charnels. Regard inquisiteur: elle veut, elle veut pas? Ne s'aiment que ceux qui baisent, et encore, sur une période définie. S'aimeront peut-être enfin ceux qui comprendront que l'essentiel est bien au delà.




samedi 1 novembre 2014

Mauvais voyage




Un corps crispé au dessus du vide, dans la bataille entre le chimique et de l'inconscient, avec au dessus de ses yeux cinglés, le plafond qui bouge et se déforme. Sale plafond, arrête de faire n'importe quoi! Ca rend fou, et c'est si long, tellement long qu'on pourrait oublier que ça va finir un jour. Il faut toujours s'en rappeler, bientôt on dormira, bientôt on pourra fermer les yeux, tout oublier. S'oublier, oublier cette enveloppe corporelle qui nous cloue au sol perpétuellement, la douloureuse existence physique dans un spasme halluciné. Oublier la mort si présente, partout autour, dans l'obscurité comme la lumière, dans les ombres sur les murs blancs, les ombres qui se déplacent et s'essaient à rentrer dans nos âmes et pourtant le désespoir de souffrir comme seule une personne parfaitement en vie en est capable. Le buste n'est plus qu'une nausée gigantesque. Et ce plafond qui n'arrête pas de bouger. Le sang se fige dans un froid assassin, il n'est possible ni de rester en place, ni de bouger, la douleur est totale. Les yeux qui cherchent une présence, une vie autre à laquelle se raccrocher, comme à une bouée dans la noyade, une main pour s'agripper à un espoir, une voix. Une voix peut retenir à la vie, écouter un murmure qui tranche avec le silence des angoisse. Des paroles qui nous emmènent ailleurs, nous font voyager hors des murs qui se referment sur nous, hors de la psychose, une histoire sans autre prétention que d'esquiver la terreur en faisant marcher l'esprit plus vite qu'elle. Dès qu'elle s'arrête, le cauchemar recommence. C'est très rapide, et les larmes inondent les joues fiévreuses, quand est ce que ça va cesser, il faut que ça cesse... On ne cède pas à la panique. Jamais. Il faut garder conscience de ce qui se passe, parler encore. Parler jusqu'à revivre. Créer de toute pièce un monde mental ou la souffrance n'existe pas. C'est long, ça demande du temps de retrouver la raison après un voyage si éprouvant, la raison elle a comme disparu, on dit des choses sans aucun sens, mais les pensées retrouvent couleur, nos encéphales tournent à plein régime mais sont moins agités. Et commence un second voyage à l'apogée de l'imagination, avec le soulagement de constater qu'on n'est pas morts, qu'on n'est pas fous non plus, juste un peu abîmés. On sait qu'il va nous falloir du temps avant de comprendre tout ça, avant de pouvoir se raconter réellement ce qui s'est passé, et de se remettre de ces heures de lente aliénation, de cette violence insensée.
Alors on demande : si rien n'est important pourquoi on s'obstine à faire des choses ? Pourquoi on a parlé, pourquoi on s'en est sorti ? Pourquoi on se lève quand même, qu'on range le carnage, qu'on rince nos épidermes fatigués, qu'on s'alimente même péniblement ? Pourquoi on baise, pourquoi on va à l'école, pourquoi on s'obstine à travailler pour des salaires, pourquoi chaque jour on essaie de devenir meilleur, ou de s'en tirer du mieux possible ? Si rien n'est important, pourquoi on prend des drogues, et pourquoi on s'aime ? Est ce qu'on s'acharne à donner du sens à tout ça pour mettre de côté le fait que nos existences sont désespérément vides d'absolu ? Nos vies sont infiniment petites. On ne saura peut-être jamais ce qui est important. Chercher plus loin que ce qu'on perd à chaque fois qu'on se regarde, les yeux qui cherchent à se comprendre... Peut-être que c'est à nous de décider ce qui doit être important dans nos vies.