"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

jeudi 30 mars 2017

Marcher



J'ai l'impression que si je m'arrête de marcher, je vais crever instantanément. Marcher, pour rien, vers rien, marcher comme ça, sans s'arrêter, sans regarder les paysages, forcer mon corps à m'obéir et m'émouvoir de tout ce que celui ci est capable d'accomplir alors que mon âme ploie sous la tristesse et l'incertitude. Impossible de savoir ce que je veux faire, impossible d'avoir la conviction que la décision horrible que je prends aujourd'hui me permettra de construire un meilleur demain. Chaque pas, par contre, chaque putain de pas est ardemment désiré, c'est moi qui décide, un pied devant l'autre et voilà, je marche, et l'air de rien, j'avance vers ce lendemain résolument, puisque, de toute façon, il n'y a pas le choix. Marcher, bien sur, c'est pas forcément avancer, mais c'est mieux que rien, mieux que rester là, à regarder ce que j'ai construit de mes mains pourrir et me tomber dessus, me fracturer le crane. Alors, je marcherai, aujourd'hui, demain, jusqu'à en avoir mal aux genoux, jusqu'à ce que mes pieds saignent, jusqu'à être capable de ne pas crever si je m'arrête.






lundi 13 mars 2017

Les murs blancs




J'ai balayé mon passé en ouvrant cette porte et en tombant nez à nez avec ces murs blancs. J'ai compris que les lieux aussi s'attachent aux personnes et qu'il ne faut pas les laisser seuls trop longtemps, mais c'était trop tard car j'avais juste ces murs blancs devant moi. Pendant quelques minutes j'ai eu beaucoup de mal à retrouver mes esprits. A comprendre qu'il n'y avait plus aucun lieu au monde que je pouvais appeler "chez moi". Que les murs que je considérais comme tels avaient fait le choix du vide et que je ne pouvais pas leur en vouloir, déjà parce que j'avais décidé de ne plus jamais en vouloir à personne, et ensuite parce que je comprenais le besoin de vide. C'est comme ça qu'on essaie d'oublier l'absence, supprimant tout ce qui rappelle la présence. Les murs blancs, ce n'est plus mon absence, c'est l'absence tout court.
Je suis revenue pour retrouver cet endroit, et je ne le retrouverai plus jamais. Je ne suis pas triste car j'ai aussi décidé de ne plus jamais être triste. Je me sens extrêmement libre au point que c'en est presque indécent. Je ne peux pas vivre entre des murs blancs. Je ne peux pas vivre dans l'oubli de mon absence. Maintenant que je ne vis plus ici, je peux vivre partout. Je vis de toute ma présence, peu importe ou je suis, peu importe le blanc des murs, je me souviens de tout.