"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

dimanche 17 novembre 2013

Légitime défonce



Cette fois ci c'est la dernière fois. La dernière fois que je perds mon temps sur le balcon en pleine nuit, dans le froid polaire de l'hiver qui s'installe, la dernière fois que je me noircis les idées et les poumons dans le craquement d'une allumette, que je rentre la pupille dilatée et le blanc de l’œil strié de zébrures écarlates, la dernière fois que je sentirai la nausée affluer en moi dans les relents de tabac froid ainsi que la brume paisible qui lui est liée. Le dernier joint. Après trois ans d'amour je me sépare de mon plus grand compagnon de route, cette herbe qui m'a tant apaisée lors de mes soirées solitaires, permis de faire tant de rencontre et de nouer de si solides amitiés, autorisé à m'endormir pendant les longues nuits d'insomnies. Pendant longtemps la vie a été si triste qu'avoir les dents un peu plus jaunes ou la gorge un peu plus enrouée était le moindre de mes soucis. Ce qui est bien avec la drogue, c'est qu'elle te permet d'oublier tes problèmes car elle devient ton seul problème. Tout le reste parait dérisoire par rapport au fait de pouvoir se procurer assez de produit pour se défoncer. Elle éclipse tout le reste avec une aisance déconcertante. Elle est remède à tous les maux : angoisse, ennui, tristesse, peur, chagrin. Elle ouvre des horizons de pensée au gout infini insoupçonnable pour les sages abstinents, et emmène de l'autre côté de la terre seulement en fermant les paupières. Elle entraîne un état absolu et singulier ou toutes les forces en l'être s'équilibrent et libèrent l'imagination dans une espèce de hantise intermittente. Elle ouvre l'âme dans toute sa magnificence et sa cruauté, mais trop souvent la laisse livrée à elle même, à vif. Le piège est là. Alors même qu'on se prépare à tracer son chemin on se trompe déjà de route. Malgré la prétendue acuité de pensée et cette volupté qu'elle nous offre, la drogue nous fait petit à petit perdre l'espérance d'une vie meilleure qu'elle avait elle même créée. On se lasse de tout car tout devient trop dur. On a de plus en plus de difficultés à atteindre les paradis artificiels, les doses de produits se font de plus en plus conséquentes et de plus en plus chères. On s'isole dans une ascèse enfumée en regardant sa santé patiemment se détériorer, oubliant rendez vous, anniversaires, cours, entretiens, hygiène, famille, société. On appelle moins ses amis, on en a de nouveaux : la paranoïa qui nourrit généreusement des angoisses très vives, la faim qui peut se réveiller à toute heure du jour ou de la nuit associe à de grands maux de ventres, et autres nausées, des stylos, et une feuille trop souvent blanche. Car quand bien même elle stimule l'esprit, elle ôte quasiment toute possibilité de créer. On dit que tout fumeur passe une étape quand il fume son premier joint en solitaire, mais qu'en est-il de celui qui crame dix pétards par jour depuis plusieurs années ? A ce stade là, le crane commence à abriter des zones vides. Des souvenirs s'effacent et demeurent introuvables. On a le sentiment de vivre dans son propre monde créé de toute pièces, de ne pas appartenir à la société. Il devient difficile de garder le fil de ses pensées dans des situations complexes, on commence à parler aux autres et plus avec eux. On dépense des milliers d'euros par an pour une béquille instable. Je ne peut plus vivre à ce rythme, donner autant à quelque chose qui me détruit petit à petit. Tant d'autres me l'ont dit avant, tant d'autres en sont revenus et en sont fiers. Je suis tombée bas, je dois désormais me donner le moyen de remonter. Alors ça commence demain et ça s'annonce pas facile de se confronter à la réalité à nouveau. Mais on a déjà surmonté tellement de choses, on arrive de tellement loin et on a tellement de courage, avec juste un peu de réconfort, tout est possible.
Et j'ai fumé ce joint dans le froid sur le balcon en pleine nuit, comme d'habitude. Mais avant de le jeter dans le vide, je lui ai dit "toi, tu es mon dernier joint." Je sais que ça ne l'est surement pas. Mais le dernier avant longtemps.


vendredi 8 novembre 2013

Prémices

Vue du quai Saint Pierre, Toulouse



Dans l'hiver qui s'installe
Les âmes ondulent et se sourient
Une main glisse sur une joue
Silencieuse et patiente.

Les autres semblent juchés sur des perchoirs inatteignables. 
Nous on est deux aux prémices d'un tout nouveau bonheur
Alors qu'on foirait tout ou presque
Outrageusement heureux.

Des kilomètres avalés pour te retrouver
Mais si un jour je me perds,
M'attendras tu ? 




dimanche 3 novembre 2013

Splendide cruauté




On emmerde la décence, dans la splendide cruauté de notre jeunesse. Nos rires leur percent les tympans, ça leur retourne l'estomac quand nous c'est seulement l'alcool qui s'y agite pour parfois en ressortir dans un sursaut d'inquiétude fébrile. Forcément c'est plus simple quand on se fout de tout, quand plus rien n'a de prise sur nous, quand toute la vie n'est qu'une grande fuite vers l'avant au travers de vastes montagnes. J'espère en parcourir le plus possible avant de te revoir pour pouvoir te raconter tout ce que j'ai vu et comme c'était beau, s'évader dans la nuit tragique. On ne cherche plus les réponses car on a compris que les questions changeaient en permanence, les chimères deviennent parfois réelles, et nos reflets paraissent sereins face aux nuages qui nous menacent. Et si un jour la pluie vient ternir nos cieux c'est qu'il sera temps de prendre les valises à nouveau, d'aller voir jusqu’où la liberté peut nous mener. Mais on a pas peur des orages.

"Aimer ce n'est pas renoncer à sa liberté, c'est au contraire lui donner un sens. Il n'est aucun véritable amour qui ait empêché quelqu'un de suivre ses rêves, dit le maitre. Seules les grandeurs des passions peuvent détourner le coeur qui poursuit son but, l'amour quant à lui sera lumière au loin dans l'obscurité permettant de garder espoir jusqu'au lever d'un nouveau jour. Il sera un Eden dans la sécheresse des chemins arrides, refuge les hivers froids et avides de dureté. Une escorte qui protège et réconforte, et non un maitre exigeant, égoïste ou possessif. Un amour qui ne peut naitre que dans la solitude absolue de l'ame mise à nue et qui s'impose comme une évidence dans un esprit clair et sans amertume. Un amour qui ne connait pas le deuil et pour lequel il n'est pas nécessaire de faire des concessions puisqu'il va de soi. Il est le geste de courage qui nous permet de découvrir toute l'étendue de notre liberté."



vendredi 1 novembre 2013

Amnésia




Seul, 
quand les formes et les couleurs se mélangent, 
dans l'hallucination que t'offre la fumée
dansant devant tes yeux plissés
tu frémis dans ta quête d'une dernière étincelle
et ton corps s’enivre.
Tu tentes de prendre ton envol, 
Au travers des bruits diffus, des cris, des rires, 
Des élucubrations d'un monde confus. 
Oublier les lésions, neutraliser l'alarme,
trouver l'inspiration si bien camouflée,
resplendir au sein d'une grande douleur, 
tant de raisons de céder au soupir en suspens
auquel tu finis par succomber.
Tous les soirs.
Depuis si longtemps.