"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

vendredi 25 octobre 2013

Les visages ont changés mais c'est toujours nous dans le cadre.

 







Parfois à sillonner les routes de France dans tous les sens, on se sent seul. On porte des souvenirs en nous qui se dispersent souvent au gré des vents qui nous traversent. Malgré tout certains restent inébranlables, comme gravés dans le noyau d'une mémoire qui vacille sous les assauts du temps. Certaines images nous marquent tellement que dans la solitude des journées on a parfois envie de se conduire comme des maniaques et d'aborder des inconnus pour leur en parler.

Je leur parlerai d'un garçon, pourrai-je dire un homme, qui a marqué mon adolescence au fer rouge, que j'ai rencontré au lycée et n'ai jamais quitté, celui qui m'a vu grandir et qui me verra très probablement vieillir, à celui qui sait tout de moi, même si il oublie, celui qui sait tout lire dans le moindre de mes regards, qui comprend tout en un mot. Celui avec qui j'ai dormi, avec qui j'ai partagé les vacances à Versailles, des coups de fil les soirs ou ca n'allait pas, les devoirs de philo, fous rires, larmes, feu d'artifices du 14 juillet et autres fêtes de la musique. Celui qui menaçait de pendre par les couilles les garçons qui me faisaient du mal mais qui m'insulte à longueur de journées pour des torts fabulés dans son esprit tordu. Celui qui a marqué tous les bancs de Versailles, tous les parcs de souvenirs indélébiles. Celui que je considère comme mon frère, même si aujourd'hui je vis loin de lui, toujours à vagabonder tandis que lui joue sur son piano inlassablement. Celui qui a trouvé sa voie et n'a pas écouté les moqueries, les doutes, les réprimandes, qui a persévéré, n'a pas cédé, qui savait ce qu'il voulait et n'a rien fait à moitié, et que j'admire tant. Le plus fou, le plus gentil, le plus marrant de mes amis, un personnage formidable, un être entier, attendrissant. Oui je leur parlerai de lui. Je leur raconterai nos escapades nocturnes à faire mille et une conneries, nos jeux avec Noé, nos plans sur la comète, nos soirées au bois Saint Martin, nos grandes espérances. Je leur dirai comme je l'aime et comme il me manque parfois.

21 une photos comme ses 21 unes années, de notre première à notre dernière, 21 moments parmi tant d'autres que j'ai eu beaucoup de mal à choisir, et beaucoup d'amour, de rires et de dingueries. Les visages ont changés, mais c'est toujours nous dans le cadre. A lui, à ses 21 ans, à son piano, à mon meilleur ami.










Notre première photo.



dimanche 20 octobre 2013

Petits matins

évasion





"Vous voulez vous foutre sur la gueule ? Allez y foutez vous sur la gueule. C'est bon, vous êtes calmés ? Comment ça y en a un qui a mal ? Vous sentez le gout du sang là ?"

10 octobre, il neige. Je flanche.


Tous ces petits matins dont je n'arrive pas à cerner la magnificence, ou je n'ai personne pour me tenir la main, à peine quelques âmes égarées qui traversent ma solitude silencieusement. En cavale, ni belle, ni tragique, j'erre à la recherche de quoi passer le temps, car on s'en fout de tout quand on attends. Patiemment je vois les jours passer, le soleil se lève imperturbablement pour aller se recoucher au même endroit tandis que ses enfants se déchirent. J'ai l'impression de vivre dans un grand cirque.  Entourée de singes savants qui connaissent bien leurs leçons, je passe pour le clown, triste parfois. Je voudrai juste te retrouver, c'est tout ce que j'attends, et que tu me mordes les doigts encore. Belle nuit qui vient, sans vie, belle nuit pour les insomniaques. Pour toi, de l'autre côté du pays, derrière mille montagnes  et mille vallées et tout ce qui nous sépare dans le creux d'un oubli réconfortant qui permet de vivre malgré le fracas de tout ce qu'on a perdu qui se brise comme du verre sur le carrelage, quand je lancais encore des objets même s'ils m'ont au moins évité les contendants. J'ai un passé poids lourd, alors que j'aurais voulu m'envoler légère, vers toi, telle une plume libre de tout emmerdement. Je sais que j'en ai trop pris, toi, peut-être pas assez, j'ai eu des expériences par le passé pas dorées à l'or fin, c'est  sans doute ça qui fais que je suis ainsi maintenant.  Aujourd’hui quand la nausée et la terreur grimpent comme une envie de vomir, j'essaie de penser à ceux qui m’aiment comme ça. Imparfaite. J'essaie de croire que malgré tout ça marchera, qu'on esquivera le blizzard qui me poursuis depuis mes années mortes. A force le monde se vide et oui c'est vrai tout se vide autour et on se demande pourquoi, comme si on ne le savait pas. De toute manière à la question pourquoi on sait très bien qu'il ne faut jamais répondre sinon on ne comprendrait même pas ce qu'on fait ensemble, pourquoi on continue à écrire un roman baclé, absurde, à quatre mains qui se tiennent, qui s'empoignent, qui aimeraient ne pas se quitter, mais les têtes, elles, elles ne sont pas d'accord et elles s'inventent des excuses à des kilomètres pour partir, partir toujours plus loin pour poursuivre une liberté qui n'existe même pas. Je sais que je peut te faire peur parfois quand dans ma tête ça galope comme ça à pein régime mais j'y peut rien j'espère que tu le comprends, ça se contrôle pas, c'est la frénésie qui me pousse à faire des trucs pas nets, et tu me regarderas d'un air ébahi faire des choses bizarres dans un mouvement halucinatoire, sans trop saisir comment on peut en arriver jusque là.
Et même si un jour je  m'ennuyais, si tu partais je devrais te retrouver. Je ne pourrais jamais aussi bien m'ennuyer avec un autre




mercredi 2 octobre 2013

Les nuits froides du bout de la France






On a parlé de beaucoup de choses et je n'ai pas tout retenu, mais j'ai retrouvé les plus belles heures de ma vie dans ton sourire qui me racontait l'été, la mer, les nuits entières passées à reconstruire le monde sans qu'il n'en sache rien, la douceur de nos rires dans l'éclat des vagues et les folies qui nous prenaient. J'avais essayé d'apprendre à sourire comme ça. On avait tous les deux ouvert le champagne pour fêter mon échec sur toute la ligne qui marquait le début de quelque chose de nouveau. Il faut dire que j'avais sacrément merdé sur ce coup là, c'était à peu près le point culminant d'une série de débâcles qui me hantaient depuis tellement longtemps. Ce jour là j'ai pleuré , car essuyer un échec n'est jamais agréable, tenons le nous pour dit, mais quelque chose comme deux heures après je n'y pensais plus. Voilà c'était fini, j'avais tout raté. Maintenant c'était soit aller se noyer dans la mer soit aller jouer avec les enfants sur la plage, parce que tout ce qu'il me restait c'était leur sourire. On veut pas vieillir, ça aussi c'est toi qui me l'as dit. Parce qu'être adulte c'est nul, on essaie d'y remédier, même si toi t'as déjà une ride et des cheveux blancs. Tu me racontait des histoires incroyables, on voyageait partout en ouvrant la fenêtre, je n'ai jamais autant rêvé. Après t'es parti sans laisser aucune trace. Je n'ai pas résisté. J'ai essayé de continuer à vivre comme j'avais appris de toi, en espérant que le vent te porterai quelque part ou tu serais bien et moi de même. J'aurais jamais pensé en être ici aujourd'hui. C'est en partie grâce à toi tout ça, ma nouvelle vie et toutes ces chances. Quand tu m'as dit "on se reverra" j'en ai pas cru un seul mot et pourtant un an et demi après c'est toi que je vois tous les jours. C'est ton rire qui rythme les après-midis. Nos discussions qui me tiennent éveillée le soir. J'ai accompli beaucoup de chemin en un an et demi. J'ai grandi, j'ai connu de grandes peines, et vu se briser beaucoup d'espoir, je n'ai pas accompli grand chose de bien, mais j'ai essayé de rester intègre et de mériter tout le bonheur que j'ai pu recevoir par ailleurs. Celui d'avoir vécu, d'avoir connu ce que c'est que de se lever le matin en en ayant envie. J'ai tenté de me tracer une trajectoire avec laquelle tu aurais été d'accord. Pour autant t'es loin d'être un mec parfait mais t'es pas comme les autres. Je pense qu'on se reconnait un peu l'un dans l'autre parce qu'on est tous les deux paumés même si on est pas pareils mais qu'on tente de mener notre kayak quand même en plein milieu du lac. Sauf que moi, être perdue ça m'angoisse alors que toi ça commence à t'user. Je sais qu'un jour je me lèverai et tu ne seras plus là, sans avoir prévenu, comme d'habitude. Un jour t'auras une femme et des gosses et tu rentreras dans le droit chemin, et moi je serais toujours une gamine en plein dans la débrouille. Tu me parles déjà comme un papa alors que t'es presque un frère, tu me fais des morales pendant des heures, c'est vrai que je suis une gosse mais je fais ce que je peux pour apprendre le plus vite possible. Ca prend du temps de comprendre ses erreurs et d'arriver à la ténacité de ceux qui tentent de marcher droit. Parvenir à se mettre des oeillères pour ne pas détruire tout ce qu'on tente maladroitement de construire. Je te jure que j'essaie et je vais même jusqu'à faire des projets, mais quand tu me demandes pourquoi ça se passerai pas bien je te réponds qu'il y a toujours une marge d'erreur à la quelle on ne peut pas faire grand chose à part essayer de la diminuer au maximum. Je sais pas combien de temps ça va durer cette histoire, ni comment ça va se terminer, ni si on va continuer à marcher ensemble longtemps, mais c'est pas très important. Je sais que dans les nuits froides du bout de la France, sur une route que j'ai tracé par hasard, j'ai trouvé un vrai ami.