"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

dimanche 28 mai 2017

Fils de connard

Fils de connard.
Je ne sais pas trop ce que je ressens. J'ai l'impression que mon sang a cessé de couler à travers mes veines, que mon coeur a cessé de pomper un instant. Je descend de la voiture, je lache "bonne journée", je prends mon sac à dos et je claque la porte.
Gros fils de connard.
Quand la main s'est posée sur le haut de ma cuisse, la réaction a été épidermique. J'ai pris la main et je l'ai balancée loin de moi. La main est revenue. J'ai gueulé "non!".
Le propriétaire de la main a dit : "allez quoi ! on peut s'envoyer en l'air."
Je suis complètement incrédule. Je ne peux pas croire que ça se passe comme ça, que c'est en train de se passer.
J'ai répété : "non", plus fort. J'ai joint mes mains et les ai posé sur mes genoux.
"Mais ça va, allez, on est bien, j'ai envie moi. T'es bonne."
Je ne bouge pas, je ne dis rien, mais tout mon corps est en alerte.
"Pff ok, mais bon faut me comprendre, c'est tentant. Faut pas se vexer pour ça hein. "
Fils de connard.
"C'est tentant quand même."

Je sors de la voiture.
J'ai rien putain.
J'ai rien, j'ai rien, j'ai rien. Il ne m'a rien fait.
Mon sang recommence à traverser mon corps par à-coups.

Mille pensées me viennent. Qu'est ce que j'aurais du faire ? Je ne l'ai pas insulté. Je ne pense pas que ça aurait changé les choses. Je n'ai pas essayé de lui faire la leçon. Je pense que quand on a cinquante balais passé on SAIT que ce n'est pas une chose à faire de toucher une fille sans lui demander quand vous êtes tous les deux seuls dans une voiture qui roule à 90 km/h. Je pense que tout le monde le sait en fait. C'est juste qu'il s'en fout, c'est pas possible autrement. Je ne vais pas essayer de l'éduquer, de lui expliquer pourquoi c'est mal. Je ne lui ai pas dit ce que je ressentais. Je ne lui ai pas dit que je me sentais humiliée, incomprise et en danger. Je n'ai pas fait un scandale, je n'ai pas crié, J'étais en colère, mais surtout j'avais peur.
 J'ai juste dit non. J'ai été claire. J'ai gardé mon calme, j'ai dit non et je suis sortie de la voiture dés que j'ai pu. Qu'est ce que j'aurais du faire ? A mes yeux, après avoir revécu cette scène de nombreuses fois dans ma tête, je ne vois pas. Et pourtant j'aurais voulu faire plus. Ne pas laisser passer. Ne pas être silencieuse. J'ai crains pour ma sécurité, j'ai eu peur d'envenimer les choses.
Je n'ai rien dit. Je n'ai pas demandé ce qu'il se passait dans la tête de cette personne pour croire que j'avais envie de coucher avec un mec qui a l'age de mon père que j'avais rencontré cinq minutes plus tôt sur la nationale entre Rodez et Albi. Je n'ai pas demandé qu'est ce qui avait pu lui mettre l'idée en tête que toucher comme ça le corps d'une fille à laquelle on a dit trois mots dans une voiture qui roule à toute vitesse c'était bien.
Je ne lui ai pas envoyé une grande gifle dans sa sale gueule de fils de connard.
Qu'est ce que j'aurais du faire ?

Et puis : qu'est ce qui se serait passé si il avait insisté ?


J'ai repensé à tous les gens qui disent que le féminisme en France c'est abusé, que la condition de la femme va très bien et que faut pas déconner. J'ai pensé qu'on vivait dans un pays, dans un monde ou on pouvait toucher une fille dans une situation de faiblesse démesurée et qu'il ne se passerait rien parce qu'il ne pouvait rien se passer. J'ai pensé que beaucoup d'hommes ne ressentirais jamais la peur physique et intense de sentir un autre corps rentrer dans le sien de force.

J'ai pensé que j'avais beaucoup de chance.
Et que j'étais terrifiée.







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire