"L'apparence n'est rien, c'est au fond du coeur qu'est la plaie" Euripide

samedi 24 juin 2017

Ma putain de carte Pastel





Hier j'ai retrouvé ma carte Pastel. Ca faisait un an que je la cherchais, pour prendre les transports à Toulouse, ma putain de carte Pastel. J'ai du en payer des tickets de métro parce que je ne la trouvais pas et que j'avais la flemme d'en refaire une. J'avais abandonné mes recherches depuis un certain temps, je ne m'y attendais plus, je pensais que c'était fini, ça m'a fait un choc de la voir, petit carton bleu dans un étui plastique épais, avec une photo dessus, une photo de ma tête d'il y a trois ans, quand j'ai fait faire ma carte Pastel.
C'est en cherchant autre chose, car c'est toujours comme cela que les histoires commencent que je l'ai trouvée tout au fond d'un grand tiroir à Versailles, avec plein d'autres choses que j'avais oubliée depuis longtemps également. Il y avait dans ce tiroir une dizaine de dossiers de toutes les couleurs avec écrit en gros dessus « Important » et que je n'avais pas touché depuis des années. Je ne me souviens plus ce qui peut être si important dans ces dossiers. Il y avait aussi du maquillage, je pensais que j'avais tout jeté ; depuis le temps. Des mots d'anniversaire de ma grand mère, des dessins d'enfants, des vieux contrats de travail, des cartes de Barcelone, de Sanary-sur-Mer, de Rome. Des brochures d'endroits ou j'aurais voulu mais ou finalement j'ai jamais foutu les pieds. Des feutres fins et des Posca, de quand je passais mes journées à dessiner. Et tout un tas de conneries dont je ne savais pas vraiment quoi faire mais que je n'avais pas voulu jeter : des pierres de volcans, des sachets de thé, des crins de cheval, des autocollants, des bouts de papiers...
Qui a mis tout ça dedans ? Est ce que c'est moi qui ai tout entassé et fermé le tiroir très vite, pour cacher ma carte Pastel en dessous et ne jamais me rappeler ou elle était ? Est ce que c'est ma grand mère qui a voulu m'aider à ranger et qui s'est un peu plantée ? Est ce juste le temps qui s'est chargé de réunir tous ces objets dont je suis le seul lien, de les mélanger et de les vider de sens ?

J'aurais pu t'appeler avec un accent de triomphe dans la voix pour te dire que ça y est j'avais retrouvé ma putain de carte Pastel et que j'allais à nouveau pouvoir prendre le bus pour quedalle, mais je l'ai pas fait. J'avais pas envie de t'appeler et puis je me sentais pas du tout triomphante. Je me sentais triste, dans les roses, avec le sentiment d'avoir encore raté quelque chose. Avec ma putain de carte Pastel dans la main et une grosse boule dans la gorge je me demandais pourquoi j'étais à Versailles, parce que ma carte Pastel ne me servait strictement à rien ici, à part à craner devant les gens et à dire « ouais moi j'ai une carte Pastel » mais à Versailles les gens s'en foutent, ils ne savent même pas ce que c'est. Je me suis demandée quand est ce que j'allais pouvoir rentrer à Toulouse pour m'en servir de ma putain de carte Pastel, et je n'ai pas trouvé de réponse, ça m'a donné envie de pleurer. Je me suis dit que c'était bien la peine d'avoir une carte Pastel si c'était pour ne pas s'en servir quand on en avait besoin, et de la retrouver une fois qu'elle était complètement inutile.

Je me suis rendu compte qu'avoir une carte Pastel soulevait beaucoup de questions auxquelles je n'aurais jamais pensé et était accompagné d'un sentiment de peur très vif. Cette peur, que j'avais cru vaincue, piétinée, écrasée, détruite par la force de mon intelligence et de mon courage, la peur de perdre, la peur d'être seule, la peur d'échouer, la peur d'avoir tort, la peur de souffrir, la peur d'être malheureuse, la peur, quoi, et bien cette peur n'avait jamais disparue. La peur était depuis tout ce temps cachée dans le fond d'un tiroir à Versailles à côté de ma putain de carte Pastel. 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire